Malgré leur démocratisation auprès de l’ensemble du parc roulant européen, les systèmes d’aides à la conduite – les fameux ADAS – vont continuer d’augmenter le coût moyen des réparations, qui ne sera pas compensé par la limitation des sinistres qu’ils promettent.
Article revue ZEPROS avril 2022 – rédacteur Romain Thirion
C’est assumé : le niveau 5 d’automatisation du véhicule est désormais clairement identifié comme « utopique » par les ingénieurs qui conçoivent les ADAS. C’est tout du moins l’aveu qu’a fait Antoine Lafay, directeur recherche assistance à la conduite de Valeo, lors de l’Atelier du MAP organisé le 1er avril dernier autour et intitulé « Systèmes d’aide à la conduite : impacts et évolutions ? » Reste que le niveau 4 – l’automatisation partielle – est atteignable dans un environnement d’utilisation donné et que le niveau 3, celui de l’automatisation conditionnelle, sont atteignables, eux.
En effet, des modèles Honda et Daimler embarquent déjà des équipements Valeo leur permettant d’accéder au niveau 3. Et même sur un modèle citadin tel que la Honda Jazz 2021, « Valeo est parvenu à lui faire atteindre le niveau 2, celui de l’automatisation partielle, avec une seule caméra frontale au lieu de l’habituel couple caméra/radar », se félicite Antoine Lafay. Mais même avec un seul appareil au lieu de deux, et malgré la réduction du nombre de sinistres que les ADAS permettent d’entrevoir, la baisse des coûts liés à l’accidentologie, pour les assureurs comme pour les réparateurs, semble elle aussi utopique.
10 à 20 % de carrossiers équipés de bancs de recalibrage
Le mouvement est pourtant inéluctable. Le règlement européen de sécurité générale 2019/2144, qui entre en vigueur le 6 juillet 2022, va imposer de nouvelles règles en la matière et rendre donc obligatoires davantage d’ADAS que par le passé. Sans oublier que l’accès aux indispensables données constructeurs constitue un coût non négligeable pour le réparateur. Autant de facteurs qui imposent à ce dernier de se former rapidement et de s’équiper à bon escient pour faire face aux véhicules toujours plus récents qu’il est amené à remettre en état. Invité à s’exprimer à l’Atelier du MAP, Patrick Cléris, président de la Fédération des réseaux de carrosserie indépendants (FRCI), évalue entre 10 et 20 % le nombre d’entreprises de carrosserie équipées. Un taux qui croît.
Mais il prévient néanmoins : « avant de s’équiper, le réparateur doit veiller au bon choix de son matériel, sans négliger l’adéquation du banc de calibration avec sa géométrie, et s’assurer du retour sur investissement ». En effet, le coût des bancs ADAS représente entre 15 et 20 000 euros en moyenne, et peut peser lourd en-deçà d’un certain nombre de recalibrages par an. « N’oublions pas non plus la question de la compétence du technicien et de l’accès aux données constructeurs », insiste Patrick Cléris, qui précise que la FRCI a mis en place des outils pour aider les carrossiers de ses réseaux à former leurs compagnons et à investir à moindre risque.
La mise en garde de SRA
Lui aussi appelé à s’exprimer, Rodolphe Pouvreau, directeur de Sécurité et réparation automobile (SRA), reconnaît qu’il est impossible de mesurer de façon factuelle et objective ce qui, dans la baisse de la sinistralité, est dû à l’augmentation du nombre d’ADAS, à la politique de prévention et de répression routière ou à l’amélioration des infrastructures. Seule chose de sûre : depuis 2017, le coût moyen des réparations a augmenté de 21%. En outre, selon lui, « l’éventuel gain des ADAS sur la fréquence des sinistres, difficilement mesurable actuellement, ne compensera pas les fortes augmentations de coût ».
D’autant que le prix de certaines pièces a explosé, notamment les optiques de phare, dont le coût moyen a bondi de 46 % entre 2017 et 2021 et représentent aujourd’hui 58 % de la charge moyenne sinistre pièces. « Nous avons tout intérêt à réparer lorsque l’on peut réparer », plaide donc Patrick Cléris. Mais « très peu de constructeurs proposent des optiques réparables, ni le matériel dédié pour le faire », regrette Rodolphe Pouvreau. Alors même que la généralisation des optiques LED devrait peser 50 % du parc roulant français en 2030, et que les optiques intelligents se démocratisent.
Quid du contrôle des ADAS ?
Émanation de la Fédération française de l’expertise automobile (FFEA), MPEA, organisatrice des Ateliers du MAP, s’est logiquement penchée sur l’impact des ADAS pour les experts. Lesquels s’interrogent légitimement sur le contrôle des ADAS en cas de revente de véhicules entre particuliers, domaine d’activité sur lequel ils aimeraient imposer leur patte. « Nous pouvons aussi souhaiter qu’une défaillance ADAS fasse entrer le véhicule dans le cadre de la procédure véhicule endommagé (VE) revue », défend Christophe Theuil, président du MAP.
La question de la compétence des experts face à ces équipements toujours plus complexe se pose également. « Il serait déontologiquement fondé pour un expert de dire « j’arrête » s’il ne s’estime pas compétent pour garantir la sécurité du véhicule en cas de dommage sur les ADAS. Nous pourrions assister à l’émergence d’experts spécialistes des ADAS au sein d’un cabinet d’expertise », avance Joël Moret-Bailly, avocat au barreau de Paris et spécialiste en déontologie. Et « face à la hausse des coûts, l’expert ne doit pas être là pour faire plaisir à qui que ce soit : ni au propriétaire du véhicule, ni au réparateur, ni à l’assureur. Car il y a une notion qui prime devant tout le reste et arrête tout débat : la sécurité », assène-t-il.
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